À cœur ouvert avec Alpha Oumar Taran Diallo.
Parmi les domaines de compétence du Secrétaire Général de l’ISAV de Faranah, il faut compter désormais, l’agriculture que l’enseignant chercheur, acteur politique et fondateur d’École pratique, depuis cinq (5) bonne années. Rien que pour cette saison, Alpha Oumar Taran Diallo a, à son actif, un champ de riz de 100 hectares.
Même, loin de Conakry et de son milieu habituel, l’homme ne s’ennuie pas. Travailleur acharné, après de grand moment passé au service, il termine la journée dans son champ de riz. Une vaste pleine située, à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Faranah. C’est là que notre équipe le retrouve, le temps d’une escale, dans le cadre d’une visite de terrain qui s’est automatiquement mue en visite guidée, doublée d’un entretien improvisé.
Tout est allé très vite. Après les amabilités, comme par magie, le ‘’Général’’ comme on l’appelle à l’université, montre et explique presque spontanément, ce qu’il fait. Pour l’une des rares fois, l’homme n’a pas du mal à parler de soi, de ses projets. Juste le temps se remercier son interlocuteur “pour l’intérêt porté sur mes activités.
Le reste s’enchaîne, avec clarté et précision. “Pour la petite histoire, ce n’est pas ma première expérience dans l’agriculture”, affirme-t-il. Et d’enchaîner : “Depuis 2019, je cultive du côté de Gaoual. La première année, j’ai travaillé avec mon ami, le ministre Ousmane ‘’Gaoual’’ Diallo pendant qu’on était tous deux dans l’opposition, même si on n’était pas dans le même parti.” Avant de confier que “nous avions fait un champ de 140 hectares, dont les 30 m’appartenaient.” Puis, d’ajouter que “l’année suivante, c’est-à-dire 2020, j’ai fait 30 ha encore, mais cette fois, à Gaoual et à Koundara. La troisième année, j’ai acquis mon propre tracteur qui m’avait permis d’exploiter une centaine d’hectares.”
Et entre temps, Alpha Oumar Taran commence à s’habituer à Faranah qui a cessé d’être un simple poste de travail, dès la première année de sa mutation. L’intégration aidant, il a apprécié le potentiel agricole dans les environs, voire toute la région, et au-delà, notamment vers la forêt ou la savane. Sans oublier le Fouta. C’est pourquoi, explique-t-il, “A Faranah, c’est cette année que j’ai pu mettre en valeur 100 hectares de riz“. Cela, après un essai plutôt promoteur l’an passé, y compris dans la culture maraîchère.
En l’écoutant parler de ses 100 hectares de riz, M. Taran impressionne par l’enthousiasme pour ce secteur. Mais pas seulement. Point de vue technique, il fait preuve de maîtrise. “On y a semé cinq (5) variétés de riz. La partie la plus basse qui inonde en premier lieu, on a mis du M-6, une variété de riz qui dure 7 mois. De façon graduelle, c’est à dire en remontant vers la forêt, on a semé du Nérica, ensuite une autre variété aromatique que le programme alimentaire mondial (PAM) expérimente actuellement dans la région. Cette variété est suivie du Wita 9 et enfin on a aussi semé le Kirakanala“, raconte-t-il. Ce n’est pas tout dans ce registre, parce que dans la suite de son récit, Alpha Oumar Taran Diallo détaille : “on a commencé le labour début mai, la première partie a été semée le 15 du même mois“. En toute connaissance de cause, car, explique-t-il, “comme on n’a pas de prévision sérieuse de la pluviométrie, et étant au bord du fleuve Niger, on a vite commencé les travaux champêtres ici pour finir vers le 20 juin dernier.”
Pour la suite, en tout cas côté production, “il ne reste plus qu’à espérer la bonne pluviométrie pour lui permettre d’obtenir un bon rendement“, rassure-t-il. Et l’enseignant chercheur visiblement piqué par le virus de l’agriculture ne s’investit pas dans ce domaine pour y prospérer seul. “C’est c’est aussi une façon d’encourager l’État à travers le ministère de l’agriculture dans son élan, depuis l’avènement du CNRD”, soutient-il.
Sans exclure que d’autres acteurs de la vie nationale s’intéressent davantage au secteur. En tout cas, dans sa prévision, “En plus de l’État, je pense aussi que ce genre d’investissement pourrait inciter les opérateurs économiques. Et pourquoi pas les cadres guinéens qui peuvent apporter leurs contributions au secteur agro-alimentaire à Faranah“. D’autant que, “Cela pourrait permettre de combler le gaps en matière de riz que nous importons chaque année.”
Autre aspect intéressant, par expérience, Monsieur Taran sait que, “Les sols sont très fertiles. Ce qui fait que tout est bio ici. Aucun engrais ou d’herbicide n’a été utilisé ici.” Et d’insister : “On s’est simplement limité au labour, puis on a semé les différentes variétés de riz.”
Pourquoi investir autant dans ce secteur ici à Faranah ?
L’une des questions qu’on ne pouvait pas ne poser, à Alpha Oumar Taran Diallo, porte sur son choix pour Faranah. Très méthodique dans sa réponse, il rappelle que “J’ai fait beaucoup de préfectures de la Basse-Guinée et je suis à Faranah depuis 2022”. Ajoutant que “Je connais très bien la zone de production du Fouta, située entre Gaoual et Koundara.” Avant d’avancer que « l’opportunité qu’il y a Faranah, je ne pense pas qu’elle existe dans les deux autres régions.” Même si, “malheureusement, les plaines agricoles ne sont pas encore aménagées.
Alors que cela aurait pu majorer de façon considérable les rendements.” Et “qu’il y a de nombreuses contraintes auxquelles nous faisons face, dont les difficultés liées à la récolte“, indique-t-il. Puis, d’appuyer : ”A cette étape, c’est vraiment difficile puisque si vous n’avez pas de moissonneuse batteuse, ça devient très compliqué. Malheureusement, dans la zone de Faranah, il n’y en a pas suffisamment. C’est une sérieuse question qui va se poser au moment de la récolte.”
Ce n’est pas tout selon notre interlocuteur. “L’autre contrainte, c’est le bétail”, énumère-t-il. Et d’argumenter, exemple à l’appui : “n’oublions pas que ce sont aussi des zones d’élevage par excellence. Jusqu’au début du mois de juillet dernier, on avait des problèmes ici puisque les animaux venaient passer toute la journée dans les champs. C’était très compliqué puisque ce n’était pas une ou deux têtes. Vous avez jusqu’à trente (30) voire cinquante (50) bœufs qui y passent la journée au même moment ; soit à brouter le riz, soit à se bagarrer ou à s’y ‘allonger. Cela a vraiment impacté le riz au départ.” En plus des difficultés générales, M. Diallo n’oublie son cas particulier. “Il y a aussi la contrainte liée à l’emploi du temps. Comme vous devez le savoir, j’ai une fonction administrative au niveau de l’ISAV qui fait que je n’ai pas assez de temps. C’est quand je finis le boulot, vers 17 heures, que je viens au champs. Heureusement au courant de la journée, certains jeunes étudiants diplômés de l’ISAV, mais aussi les jeunes des villages partenaires y compris mon superviseur, se relaient pour contrôler le champ au moment où je ne suis pas disponible.”
Des bonnes volontés qui le renforcent dans sa détermination et l’encouragent dans ses activités agricoles que “L’enseignant agriculteur” n’a eu de cesse de diversifier et développer pratiquement deux (2) ans à Faranah. “Depuis que je suis là, je fais des cultures maraîchers sur un périmètre de quatre (4) hectares où je produis des tomates, aubergines, oignons, gombos et d’autres variétés. Mais en dehors de ça, j’avais déjà produit de l’arachide et du maïs avant de me lancer dans ce champ de riz’’ confie-t-il.
Avant d’annoncer que “je compte améliorer la méthode de production, mais surtout développer la chaîne de valeur“. Et comme pour joindre l’acte à la parole, “déjà, j’ai acquis une machine décortiqueuse qui fait une tonne et demi par heure. Je compte acquérir aussi une étuveuse pour transformer une partie du riz que je produis pour la consommation locale.” “À labe j’ai une ferme intégrée sur 7 hectares que je suis en train de transformer en ferme école”.
Et Alpha Oumar Taran Diallo ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. “L’année prochaine, si Dieu me donne la santé, je compte faire une extension de ce domaine pour aller au-delà de cent (100) hectares”. Surtout “qu’en voyant l’état actuel de ce champ, c’est très promoteur. Je pense qu’avec des équipements nécessaires pour la récolte, il n’y aura pas de déperdition.
Cela permettrait d’avoir suffisamment de semences pour la prochaine campagne agricole d’une part, et de l’autre, on aura des moyens pour développer ce qu’on a commencé là”, projette-t-il. Un optimisme inspiré de l’expérience de l’homme, dans l’agriculture, et avant dans l’éducation où a commencé avec pu de ressources au début des années 2010, pour se retrouver avec un institut professionnel très performant moins de 10 ans plus tard. Grace à un capital confiance et une persévérance dont l’homme a un véritable don.
Pour preuve, parlant de son projet agricole “il y a eu le concours beaucoup de bonnes volontés et des circonstances favorables“, avoue-t-il. Avec un sentiment de reconnaissance, M. Taran déclare que “c’est là qu’il faut saluer la politique des autorités du pays à travers le ministère de l’agriculture. Parce que depuis un certain temps, il y a un appui considérable qui est apporté aux producteurs au niveau local à travers la mise à disposition d’intrants à des prix abordables, et surtout la mécanisation progressive de l’agriculture à travers tout le pays“.
Sur le plan foncier, notre “guide” de circonstance révèle que “ce domaine appartient aux communautés villageoises qui m’ont permis d’exploiter leurs terres en me les cédant pour la présente campagne agricole.” C’est pourquoi, pour le désormais agriculteur, “il faut également remercier Alhasane et sa famille, les habitants de Yèrèwalia et Soumbarakô qui, plus loin, nous aident constamment à veiller et entretenir ce champ.”
Il n’oublie pas “les autorités de l’ISAV à travers la Directrice Générale, pour l’appui moral et tous les conseils apportés. Également des enseignants qui viennent nous apporter des conseils idoines sur le terrain, tout comme des étudiants qui viennent faire leur stage ici. C’est tout cela réuni qui a permis de mettre en œuvre ce champ que vous êtes en train d’apprécier.”
Dans ses remerciements, il cite Magazine « AGRONEWS » qui, selon ses propres termes, “ne ménage aucun effort pour rendre visible les œuvres des hommes et femmes qui se battent au quotidien pour soutenir les efforts de nos dirigeants pour l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire dans notre pays“. Une longue liste de partenaires et collaborateurs qui illustre bien une capacité de persuasion dont tout porteur de projet a besoin pour mobiliser ce qu’il faut et réussir.
Entretien réalisé par Sâa Abdoul Malick Camara et Tamba Michel Iffono



