‘’Le Programme Simandou 2040 offre une opportunité unique de transformer le secteur agricole guinéen et d’en faire, le moteur de la croissance économique et du développement inclusif’’ c’est l’un des maitres mots de l’entretien exclusif que le Ministre du Plan et de la Coopération Internationale a accordé à votre Magazine, Agronews.
Le Ministre Ismaël Nabé évoque avec nous, l’Importance et la pertinence de la Vision Simandou 2040 en adéquation avec le secteur agricole (Axe 1 de la Vision), la stratégie programmatique du secteur, les efforts de recherche et de mobilisation des financements en faveur du secteur agricole, l’état actuel du portefeuille des projets et programmes d’investissements publics dans le secteur agricole, acquis et défis, la collaboration inter sectorielle, dialogue avec les partenaires, les perspectives de financement nouveaux et innovants.
Agronews : La vision Simandou 2040 est une approche programmatique intégrée du développement socio-économique de la Guinée. Dans l’axe 1 de cette stratégie, figure en bonne place, I‘Agriculture et I’Industrie agro-alimentaire en termes de priorités. En votre qualité de Ministre du Plan et de la Coopération Internationale parlez-nous de I ’importance et de la pertinence de ce choix stratégique. En quoi Simandou 2040 va changer le monde Agricole et impacter durablement l’économie guinéenne ?
Ministre Ismaël NABE : La Vision Simandou 2040 est une approche programmatique intégrée qui vise à transformer structurellement l’économie guinéenne. L’axe stratégique dédié à l’Agriculture et l’Industrie agroalimentaire est fondamental, car il répond à deux impératifs majeurs : garantir la sécurité alimentaire et créer de la valeur ajoutée locale.
La Guinée dispose de 13,7 millions d’hectares de terres arables abondantes, d’un climat favorable et d’un important potentiel hydraulique. Pourtant, le secteur agricole demeure sous-exploité, caractérisé par une faible mécanisation et une transformation industrielle quasi-inexistante. En intégrant ce secteur parmi les priorités de Simandou 2040, nous ambitionnons de moderniser l’agriculture par l’introduction de technologies adaptées, l’irrigation et la mécanisation ; développer l’Industrie agroalimentaire pour transformer localement nos productions et réduire les importations de denrées alimentaires ; et de créer des chaînes de valeur compétitive favorisant la consommation locale et les exportations agricoles.
Cette orientation répond aux besoins de diversification économique et d’indépendance alimentaire, tout en générant des emplois massifs et durables pour les jeunes et les femmes.
Agronews : Comment va s’opérer cette mutation, en termes de planification stratégique du développement. Autrement, comment passer du Programme de Reference Intérimaire (PRI) en cours (et qui priorise aussi le secteur agricole dans ses piliers) à la Vision Simandou 2040 pour les 15 ans à venir ?
Ministre Ismaël NABE : Le Programme de Reference Intérimaire (PRI 2022-2025) constitue une feuille de route pour le Gouvernement de la transition et ses partenaires qui met déjà un accent particulier sur l’Agriculture. Cependant, il est essentiel d’assurer une cohérence entre le PRI et le Programme Simandou 2040, qui se projette sur les quinze prochaines années. L’objectif étant d’assurer que les investissements et les politiques agricoles en place aujourd’hui servent de socle à la mise en œuvre effective du Programme Simandou 2040.
Agronews : Le corridor du Méga projet Simandou va libérer sans, doute, un immense potentiel agro sylvo pastoral enclavé … et derrière, des opportunités pour les acteurs du monde paysan et de l’agro-industrie. Qu’en est-il réellement ?
Ministre Ismaël NABE : Le corridor Simandou traverse des zones à fort potentiel agricole, forestier et pastoral, mais qui restent encore sous-exploitées en raison de leur enclavement. L’aménagement des infrastructures liées au projet Simandou ouvrira ces zones aux investisseurs et aux agriculteurs, favorisant le développement de cultures vivrières et industrielles à grande échelle ; l’expansion de l’élevage et de l’agroforesterie grâce à de meilleures infrastructures d’accès et d’irrigation ; et le développement des marchés agricoles, facilitant l’accès aux intrants et la commercialisation des produits. C’est une opportunité historique de structurer un écosystème agro-sylvo-pastoral intégré le long du corridor Simandou.
‘’Dans notre stratégie de diversification économique, nous faisons en sorte que les revenus et les infrastructures issus de l’exploitation minière bénéficient directement au secteur agricole.’’
Agronews : Cette approche de faire du secteur minier un catalyseur, à même d’impulser le secteur agricole pour devenir le moteur de la croissance et du développement obéit à la stratégie de diversification économique du pays. Pouvez-vous revenir sur ce volet, en détails, pour nos lecteurs ?
Ministre Ismaël NABE : L’exploitation minière est souvent perçue comme une activité isolée. Toutefois, dans notre stratégie de diversification économique, nous faisons en sorte que les revenus et les infrastructures issus de l’exploitation minière bénéficient directement au secteur agricole au sens large du terme.
Agronews : Outre le Programme Vision Simandou 2040, vous êtes un ministre en charge de la Coopération Internationale, et par conséquent celui qui recherche et mobilise le financement des projets et programmes d’investissements public auprès des bailleurs et partenaires du pays. Le volume du portefeuille des projets et programmes d’investissements publics couvrant le secteur agricole est très important. Comment se présente ce portefeuille et le volume es financements mobilisés ?
Ministre Ismaël NABE : À ce jour, le portefeuille des projets agricoles en Guinée représente plusieurs centaines de millions de dollars mobilisés auprès de partenaires techniques et financiers (PTF) tels que la Banque Mondiale, la BAD, la BADEA, la Banque Islamique de Développement, les fonds arabes, l’Union Europeenne, la FAO et le FIDA. Dans l’ensemble, ces financements visent à accroître la productivité agricole ; à favoriser la résilience face aux changements climatiques ; et à développer des infrastructures rurales et de transformation. Nous profitons de cette tribune pour remercier et féliciter tous ces partenaires qui font confiance au Gouvernement en nous appuyant et nous accompagnant, conformément aux priorités définies par la Guinée. Ces projets et programmes participent surtout au niveau du secteur agricole a valoriser le potentiel agricole en luttant contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Ils nous aident a asseoir les bases d’une agro-industrie s’appuyant sur la chaine de valeur pour diversifier l’économie, créer de l’emplois et apporter des revenus aux exploitants et au pays. Le programme Simandou 2040 en élaboration fait du secteur agricole le premier pilier pour gagner le pari de l’émergence a l’horizon 2040 conformément à la vision du Chef de l’Etat, General Mamadi Doumbouya.
Agronews : Comment travaillez vous en synergie, avec les sectoriels en charge du secteur agricole et les bureaux pays des PTFs dans la mobilisation, la mise en œuvre et le suivi évaluation des projets agricoles en rapport avec le ministère de l’Économie et des Finances ?
Ministre Ismaël NABE : La mobilisation, la mise en œuvre et le suivi-évaluation des projets agricoles nécessitent une approche intégrée et coordonnée entre les différentes parties prenantes. À cet effet, le Ministère du Plan et de la Coopération Internationale joue un rôle central en assurant la cohérence stratégique et l’alignement des financements sur les priorités nationales.
Il s’agira d’abord d’établir une collaboration étroite avec les sectoriels en charge de l’agriculture. Nous travaillons dans ce cadres, en synergie avec les ministères et institutions en charge du secteur agricole, notamment le Ministère de l’Agriculture et de l’Élevage, pour identifier les besoins prioritaires en investissements agricoles, en lien avec la Vision Simandou 2040 et le Plan National de Développement et faciliter la programmation et l’alignement des financements sur les axes stratégiques de développement du secteur.
Ensuite, il faudra opérer une mobilisation efficace des financements avec les PTFs et le Ministère de l’Économie et des Finances. A ce niveau, la coopération avec les bureaux pays des Partenaires Techniques et Financiers (PTFs) repose sur des concertations régulières à travers les plateformes de dialogue assorties d’un plaidoyer actif pour l’intégration des projets agricoles dans les stratégies de financement des PTFs. Tout ceci avec un suivi rapproché des engagements financiers pour assurer le respect des délais de décaissement.
D’ores et déjà, en collaboration étroite avec le Ministère de l’Économie et des Finances, nous veillons à optimiser la gestion des ressources financières, notamment les fonds de contrepartie et les subventions et à garantir une bonne absorption des financements.
Enfin, nous réalisons un suivi-évaluation renforcé pour améliorer l’efficacité des projets agricoles. Un mécanisme de suivi evaluation rigoureux se déploie actuellement avec les sectoriels et les Partenaires Techniques et Financiers du pays.
Agronews : En dépit des fonds importants alloués aux projets et programmes agricoles, les revues des porte feuilles révèlent très souvent des goulots d’étranglement notamment la faible capacité d’absorption des fonds, les questions de fonds de contrepartie, la qualité de gouvernance des UGP… Qu’est ce qui est fait pour remédier à ces faiblesses et surmonter les obstacles et défis ?
Ministre Ismaël NABE : Malgré les financements conséquents, plusieurs défis demeurent, notamment la faible capacitée d’absorption des fonds, en raison du manque de préparation des projets ; les retards dans la mobilisation des fonds de contrepartie ; et des insuffisances dans la gouvernance des Unités de Gestion des Projets (UGP).
Pour y remédier, nous avons engagé et envisagé des réformes structurelles, notamment : Une meilleure planification des décaissements et un renforcement des capacités des UGP ; une facilitation de l’accès aux fonds de contrepartie ; et un suivi rigoureux des projets en collaboration avec le Ministère de l’Économie et des Finances, le Ministère du Plan et de la Coopération Internationale et les sectoriels concernés.
‘’Notre ambition qui est en adéquation avec la vision du Chef de l’Etat, c’est de faire de la Guinée un pôle de production agricole compétitif en Afrique de l’Ouest.’’
Agronews : Vous êtes constamment sur le terrain à l’extérieur, à la recherche du financement, qu’est ce qui est en vue pour 2025 et les années à venir pour le secteur agricole. Y aura-t-il des projets agricoles impactant et structurants et intégrant davantage de jeunes et de femmes ?
Ministre Ismaël NABE : Nous avons déjà engagé des discussions pour mobiliser des financements nouveaux afin de renforcer l’agriculture, notamment. Le programme Simandou est en élaboration avancée avec nos équipes techniques, les sectoriels et nos partenaires du Cabinet KPMG. Le diagnostic, le phasage et le tamisage des secteurs et projets majeurs permettrons de dégager des projets de qualités dans le secteur comme pour les autres secteurs porteurs de croissance.
Ce qui est clair, notre ambition qui est en adéquation avec la vision du Chef de l’Etat, c’est de faire de la Guinée un pôle de production agricole compétitif en Afrique de l’Ouest.
‘’Le Magazine Agronews, un outil com, une plateforme précieuse pour valoriser le secteur agricole.’’
Agronews : Que pensez-vous de l’initiative ‘Agronews’ , un magazine privé spécialisé dans la communication et la visibilité du secteur agricole ?
Ministre Ismaël NABE : L’initiative Agronews est une plateforme précieuse pour valoriser le secteur agricole. La communication et la visibilité sont essentielles pour attirer les investisseurs, mobiliser les jeunes et encourager l’innovation. Nous soutenons donc pleinement ce type d’initiatives qui permettent de mieux informer et sensibiliser sur les enjeux agricoles.
À nos lecteurs, je voudrais dire que l’avenir de la Guinée se joue en grande partie dans le secteur agricole. Le Programme Simandou 2040 nous offre une opportunité unique de transformer ce secteur et d’en faire le moteur de la croissance économique et du développement inclusif. Ensemble, engageons-nous pour une Guinée plus prospère et autosuffisante.
Entretien réalisé par Ibrahima Ahmed BARRY et Halimatou Diallo ‘’Lima’’ pour Agronews
